Les ex fans des sixties chantent le Techlash




Ce qui est intéressant dans l’informatique et les télécommunications (IT), c’est la résilience. Au fil des ans, seul change le nom des sociétés qui se succèdent par vagues successives. L’information géographique, elle, semble échapper à ce phénomène et je vous explique pourquoi.

L’IT possède une capacité inépuisable à faire croire qu’elle se renouvelle. Mais tel le Phoenix, le secteur ne change pas. Cela vaut sur les concepts périodiquement rhabillés de nouveaux noms,  comme la plate-forme ou le Cloud qui ne sont que des relookages de l’archétype Maitre/Esclave des années soixante. Les stars d’aujourd’hui ont simplement affranchi les mots, remplacés les termes gros par mini, micro, puis Smart, réseau social, participatif, etc. 
Cela vaut aussi pour les stratégies marketing teintées de termes anglo-saxons que les commerciaux manient avec plus ou moins de compréhension. Dois-je m’étaler sur l’usage à des verbes adresser ou supporter conjugués dans un sens Shakespearien qui donne mal à la tête aux adeptes de Voltaire ? Mais là je m’égare. Où en étais-je ? Ah oui : Les grandes sociétés informatiques sont des Phoenix qui suivent les mêmes modèles, et cèdent devant des concurrents aux stratégies similaires, mais aux produits plus modernes.

Avant-hier, j’écrivais des articles sur les réussites admirables de SG2, Digital, Compaq, Visicalc, Alta Vista ou Netscape. Désormais qui se souvient de ces champions du matériel, du tableur, de la recherche ou de la navigation sur internet ? 

Hier on admirait l’hégémonie inventive d’IBM, HP, AOL, Intel, Microsoft ou Yahoo ; autant d’empereurs indéboulonnables des nouvelles technologies. Désormais attaqués de toutes parts, ils réussissent à se maintenir à coup de découpages, de restructurations ou d’amputations. En écrivant ces lignes, il me vient en tête la rengaine de Serge Gainsbourg « Ex fan des sixties » chantée par Jane Birkin. Il suffit de remplacer le nom des idoles du rock par celles du clavier.

Ceux qui les ont déstabilisés se nomment GAFA ou mieux, FANG (Facebook, Amazon, Netflix, Google). Cela appelle plusieurs constats. Un, ce ne sont plus des champions du matériel, mais des experts de l’image, du commerce et du service. Deux, ils ont pris la place de leurs aînés comme chouchous des grands économistes. Trois, combien de temps résisteront-ils avant de se faire remplacer par la vague suivante ? Car leur impact sur la société et l’économie engendre une multiplication de critiques sur la fiscalité, l’exploitation de données personnelles, l’obsolescence programmée, les contenus malsains ou le client pigeonné. Pire : les patrons de la Silicon Valley utilisent des algorithmes addictifs, dont font bien attention de préserver leur progéniture. Ce mouvement porte un nom : « Techlash ». Il mixte les termes Techno et Backlash, c’est-à-dire « retour de bâton » pour les non Shakespeariens.

Ce Techlash n’atteint pas les ténors de l’information géographique. Et cela s’explique simplement. Ces sociétés datent toutes des années 80, sans renouvellement : Intergraph, Bentley Systems, Esri, Caris, MapInfo, Erdas ou Geoconcept. Ensuite et surtout elles ne prennent pas leurs utilisateurs pour des pigeons. Bilan elles seront sans doute encore là lorsque Google, Facebook ou Amazon auront été dépassés. On prend les paris ?
 
Par Hubert d’Erceville

Article mis en ligne par la rédaction SIGMAG & SIGTV.FR