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D’une révolution à l'autre : 16 ans de pratiques géonumériques


Carte Blanche à Stéphane Moisy, cartographe et administrateur SIG, il développe la géomatique et les systèmes d'information pour les services urbanisme et environnement du bureau d'études OTE Ingénierie.



D’une révolution à l'autre : 16 ans de pratiques géonumériques
OTE Ingénierie est un bureau d'études pluridisciplinaire. Son service  « urbanisme » a pour principale mission d'épauler les collectivités pour l'élaboration des documents d'urbanisme réglementaire (SCoT, PLU, etc.). Le service « environnement » est, quant à lui, essentiellement dédié à la réalisation d'études d'impact, d'études de danger ou de diagnostics écologiques pour le compte de clients publics et privés. Ces deux services collaborent étroitement.

J'ai débuté mon travail de cartographe au sein de ces deux services en 2000. À cette époque, une partie des chargés d’études assuraient eux-mêmes leurs productions cartographiques avec des feutres, des ciseaux, une photocopieuse et beaucoup de bonne volonté. Les autres chargés d'études confiaient leurs cartes à de « petites mains », des étudiants en géographie recrutés quelques heures par semaine et qui commencèrent à utiliser un scanner et des logiciels de DAO.

Deux priorités se sont imposées pour développer la cartographie : rationaliser les méthodes de travail et mener un travail de lobbying en faveur du déploiement d'un SIG. Début 2002, OTE achète sa première licence ArcGIS. Les premières années d'utilisation du SIG sont essentiellement marquées par : l’absence de données ! Comparativement à la période actuelle, très peu de données étaient effectivement disponibles et celles qui l’étaient avaient un défaut souvent rédhibitoire : leur coût. De fait, l’usage du SIG s’est limité aux affaires importantes qui permettaient de dégager un « budget données » et aux commandes publiques pour lesquelles il était possible de bénéficier d’une convention de mise à disposition. Malgré tout, cette période a été riche en apprentissages et a permis quelques belles réalisations, notamment en matière d'intégration de données issues de logiciels de modélisation et de cartographie 3D.
 

D’une révolution à l'autre : 16 ans de pratiques géonumériques
Une évolution majeure émerge vers les années 2004-2005. Elle correspond à l’accroissement considérable de la quantité d’information géographique disponible et à sa diffusion via internet. Des acteurs très différents y prennent part : géants d’internet comme Google, institutions étatiques avec, par exemple, la mise en ligne du Géoportail, ou initiatives citoyennes comme le lancement d’OpenStreetMap. Cela a conduit à une « démocratisation » de l’information géographique et à la généralisation de son utilisation. Bien aidés également par la directive INSPIRE, on peut estimer que l'on dispose d’une base de données « mature », apte à couvrir nos besoins d’informations sur l’environnement vers les années 2009-2010. L’inflation de la quantité d’information géographique disponible continue actuellement et le phénomène s’accélère. Cette tendance contribue durablement à améliorer la qualité des cartes et à étendre le champ d’intervention de la géomatique.

Mais la véritable révolution dans notre travail de cartographe remonte au début des années 2010 et correspond à l’émergence des flux de données (services web) qui a engendré une véritable rupture. Du point de vue de l’utilisateur, la donnée dont le stockage était « discret », (un fichier sur un  DVD, une clé USB, un disque dur) passe en « mode continu ». Grâce aux flux, on dispose de données homogènes, mises à jour directement par le diffuseur,  sur l’ensemble du territoire et à la demande !

Cette révolution a offert la possibilité de mettre en place une bibliothèque de modèles de cartes couvrant les besoins les plus courants pour les états initiaux de l’environnement et les diagnostics territoriaux. La production des documents est presque entièrement automatisée, laissant (au-delà de la conception des modèles) plus de temps pour le cœur du métier de cartographe : déterminer l’échelle la plus adéquate, adapter les figurés au contexte, vérifier que la carte transmet bien l’information voulue.

Les services web et l’infrastructure ArcGIS Online nous permettent également de partager l’information géographique de manière dématérialisée, dans des interfaces sur-mesure, jusque sur le terrain. Les cartes sont construites en combinant nos propres données hébergées sur le cloud et celles diffusées par les organismes et institutions producteurs d'information géographique. En procédant de la sorte, on peut considérer l'infrastructure ArcGIS Online comme un « hub de l’information géographique ».  Dans un ensemble de flux de données disponibles, on sélectionne, analyse et représente  ceux qui correspondent à nos besoins. Considérer l'infrastructure ArcGIS Online comme un outil d'interopérabilité multi-sources est certainement la vision la plus riche et la plus porteuse d'innovation.
 

De nombreux indices laissent à penser qu'une seconde révolution de la géomatique s'amorce. Elle correspond au passage d’une donnée structurée en flux à ce qu'on pourrait qualifier comme des « nuées de données ». Cette révolution s'appuie sur les objets connectés, ce qu'on appelle « l’Internet des objets » ou « l’Internet ambiant » ou d'une manière plus générale le « Big Data ».
On compterait aujourd’hui dans le monde en moyenne  deux objets connectés par personne, chiffre qui passerait à 25 en 2025 et à 1.000 en 2040 ! Par définition, ces objets sont connectés et transmettent des données. De surcroît,  ils sont tous, de manière statique ou mobile, géolocalisés. Cela préfigure peut-être l’émergence d’un « globe numérique », espace d’émission et de perception numérique de son alter ego réel,  une nuée de données multi-thématiques, haute définition et temps réel de notre monde. Pour les géomaticiens, cela impliquera une transition d’une logique de gestion de flux d’information à un retour à une logique de collecte. Cette collecte se fera dans un environnement numérique « scintillant », sans aucun doute beaucoup plus riche mais beaucoup moins structuré.

Cette mutation soulève de nombreuses questions qui dépassent largement le cadre de la géomatique : Comment protéger la vie privée ? Quelle gouvernance et quelle régulation? Comment prendre en compte des individus et/ou des territoires exclus ? Etc. 
Comme la cartographie par le passé, la géomatique est extrêmement liée à un environnement scientifique et technique déterminé par d'autres disciplines. Ainsi, depuis une période récente, ce sont les révolutions qui concernent la donnée (plus massive, plus précise dans le temps et l'espace) combinées aux possibilités révolutionnaires de diffusion de l'information qui guident son évolution.

Carte Blanche  parue dans SIGMAG n°11 (Décembre 2016). Cliquez ici pour vous procurer ce numéro.

 

D’une révolution à l'autre : 16 ans de pratiques géonumériques

 

Article mis en ligne par la rédaction SIGMAG & SIGTV.FR